Explication de texte - Le corps utopique de Michel Foucault

« Le corps aussi est un grand acteur utopique, quand il s'agit des masques, du maquillage et du tatouage. Se masquer, se maquiller, se tatouer, ce n'est pas exactement, comme on pourrait se l'imaginer, acquérir un autre corps, simplement un peu plus beau, mieux décoré, plus facilement reconnaissable ; se tatouer, se maquiller, se masquer, c'est sans doute tout autre chose, c'est faire entrer le corps en communication avec des pouvoirs secrets et des forces invisibles. Le masque, le signe tatoué, le fard dépose sur le corps tout un langage : tout un langage énigmatique, tout un langage chiffré, secret, sacré, qui appelle sur ce même corps la violence du dieu, la puissance sourde du sacré ou la vivacité du désir. Le masque, le tatouage, le fard placent le corps dans un autre espace, ils le font entrer dans un lieu qui n'a pas de lieu directement dans le monde, ils font de ce corps un fragment d'espace imaginaire qui va communiquer avec l'univers des divinités ou avec l'univers d'autrui. On sera saisi par les dieux ou on sera saisi par la personne qu'on vient de séduire. En tout cas, le masque, le tatouage,  le fard sont des opérations par lesquelles  le corps est arraché à son espace propre et projeté  dans un autre espace clos du religieux ou dans le réseau invisible de la société, alors on voit que tout ce qui touche au corps - dessin, couleur, diadème, tiare, vêtement, uniforme - tout cela fait épanouir sous une forme sensible et bariolée les utopies scellées dans le corps. Mais peut-être faudrait descendre encore au-dessous du vêtement, peut-être faudrait-il atteindre le chair elle même, et alors on verrait que dans certains cas, à la limite, c'est le corps lui même qui retourne contre soi son pouvoir utopique et fait entrer tout l'espace du religieux et du sacré, tout l'espace de l'autre monde, tout l'espace du contre-monde, à l'intérieur même de l'espace qui lui est réservé. Alors, le corps, dans sa matérialité, dans sa chair, serait comme le produit de ses propres fantasmes. Après tout, est-ce que le corps du danseur n'est pas justement un corps dilaté selon tout un espace qui lui est intérieur et extérieur à la fois ? Et les drogués aussi, et les possédés ; les possédés, dont le corps devient enfer ; les stigmatisés, dont le corps devient souffrance, rachat et salut, sanglant paradis. J'étais sot, vraiment, tout à l'heure, de croire que le corps n'était jamais ailleurs, qu'il était un ici irrémédiable et qu'il s'opposait à toute utopie. »



1) Dégagez l'idée essentielle de ce texte à partir de l'étude de ses articulations .



L'idée essentielle du texte est que notre corps peut être utopique et non uniquement topique, localisé. Avec par exemple le fait de se masquer, maquiller ou se tatouer. Tous ces moyens n'ont pas unique but de décorer le corps ou de le rendre plus visible. Tous ces moyens permettent de faire entrer le corps dans un autre univers imaginaire et par conséquent le faire sortir de notre monde où le corps propre, matériel se situe. Il y aussi l'idée que les vêtements en général que ce soit des vêtements du domaine religieux, civils ou autres domaines permettent aux "utopies scellées"  dans le corps de s'épanouir. Cette affirmation qu'il existe dans le corps des "utopies scellées" et qu'elles peuvent s'épanouir grâce aux différents moyens vu précédemment. Ensuite dans le second paragraphe, nous passons au-dessous des vêtements, tatouages, maquillages. Nous sommes directement à la chair même du corps et c'est là que l'idée que le corps lui-même permet en faite d'être épanoui grâce à son pouvoir utopique et non pas aux vêtements, tatouages ou maquillage. C'est le corps qui est là et en même temps nulle part.



2) a) Expliquez - « ils le font entrer dans un lieu qui n'a pas de lieu directement dans le monde, ils font de ce corps un fragment d'espace imaginaire qui va communiquer avec l'univers des divinités ou avec l'univers d'autrui »



Dans ce passage du texte, le sujet « ils » renvoie aux masque, tatouage, fard. C'est ces trois éléments qui font donc rentrer le corps dans un lieu qui "existe" néanmoins un lieu qui n'en a pas dans notre monde, le monde où le corps matériel réside.  Un fragment d'espace imaginaire où se situerait le corps et qui communiquerait avec l'univers des divinités ou avec l'univers d'autrui. C'est-à-dire que notre corps rentre dans un espace, un lieu utopique, immatériel et qui nous permettrait de communiquer d'une part dans l'univers des divinités, c'est à dire des entités qui seraient divines, suprêmes et donc supérieur à nous, les hommes. D'autre part dans l'univers d'autrui, c'est-à-dire les autres humains qui vivent avec nous et qui eux aussi rentre donc dans un univers d'autrui qui permet la communication entre les hommes ou alors cet univers d'autrui signifie un univers qui communique avec d'autres formes de vies non terrestre dans l'univers. L'auteur ici sous entend que l'homme lui même par sa culture, sa technique, son imagination rentre dans un espace utopique et donc grâce à cela communique avec l'univers des divinités et l'univers d'autrui.



 2) b) Expliquez - « J'étais sot, vraiment, tout à l'heure, de croire que le corps n'était jamais ailleurs, qu'il était un ici irrémédiable et qu'il s'opposait à toute utopie. »



Dans ce passage du texte, il y a une remise en question des propos énoncés par l'auteur et qui par conséquent comprend que le corps n'est jamais uniquement ici bien au contraire. Le corps est tout le temps ailleurs et en même temps nulle part. Le corps ne s'oppose pas à toute utopie selon Michel Foucault puisque qu'il est utopique grâce ou à cause de sa propre existence. Néanmoins, dans cet extrait de texte à aucun moment l'auteur dit que le corps est topique donc s'il était vraiment sot de croire que le corps était tout le temps ici, c'était dans un paragraphe hors de cet extrait. Sinon il y a une autre possibilité d’interprétation de ce passage. Ce passage peut renvoyer à celui ci « c'est le corps lui même qui retourne contre soi son pouvoir utopique et fait entrer tout l'espace du religieux et du sacré, tout l'espace de l'autre monde, tout l'espace du contre-monde, à l'intérieur même de l'espace qui lui est réservé. Alors, le corps, dans sa matérialité, dans sa chair, serait comme le produit de ses propres fantasmes. ». Le corps retourne contre lui-même son pouvoir utopique, c'est-à-dire qu'il renvoie son pouvoir d'être ailleurs et donc il reste un ici irrémédiable.





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