Peut-on avoir raison contre l'Etat ?

 
L’État est nécessaire, son but est de préserver la paix publique. Pour conserver cette paix, il y a des lois, dictées par celui-ci pour éviter l'instabilité de notre société. Néanmoins certaines lois viennent à l'encontre de notre liberté naturelle, liberté d'action. Maintenant, qu'est ce qu'avoir raison ? Avoir raison contre l’État ? Si avoir raison c'est connaître, posséder la vérité, peut-on contredire l’État qui lui, veut et permet la paix dans la société ? L’État existe pour cette stabilité. Cependant, l’État peut se permettre d'agir de manière injuste, sans but d'établir la paix, alors si l'État agit comme cela, peut-on avoir raison de le contredire ? La raison d’État justifie t-elle les comportements des plus puissants ? Si nous affirmons que nous pouvons avoir raison contre l’État, c'est d'abord supposer que l’État peut être en tort. Par conséquent, comment l’État peut-il avoir tort ? Dans quelle situation, à quel moment et à propos de quel sujet pouvons nous être en désaccord avec l’État ?



Pour répondre à la question : « Peut-on avoir raison contre l'État ? », il est nécessaire et obligatoire de savoir ce que signifie les termes « avoir raison » et « État ». Avoir raison par définition est le fait d'être dans la vérité, le vrai, mais la vérité n'est pas absolue, elle est relative. Nous affirmons qu'elle est relative car la vérité dépend de multiples facteurs différents. Ce n'est pas si simple que cela. La vérité concerne l'ordre du discours, par conséquent il faut la distinguer de la réalité. Elle est en adéquation entre le réel et le discours. Cependant, par vérité, nous entendons d'abord quelque chose de prouvé, d'indubitable, quelque chose qui est absolue et donc qui ne laisse aucune place au relatif. Les vérités sont des connaissances reconnues comme justes, conformes à leur objet, et possédant ainsi une valeur absolue. Nous parlons dans ce sens, de valeurs de vérités et non pas de La Vérité, qui elle est au dessus de ces vérités si elle existe, car ces vérités sont relatives et sont sans doute des erreurs utiles. Peut-on affirmer alors qu'il existe en cet univers, La Vérité absolue ? Une idée, une affirmation peut-elle être en total conformité avec la réalité ?



L'État désigne l'ensemble des institutions et des organes culturels par lesquels une société se donne les moyens de se gouverner et de s'administrer. L’État c'est ce qui permet à une société d'être organisée politiquement, car l’État permet à chacun de distinguer qui détient le pouvoir dans cette même société. L'État est différent de ce que nous appelons la nation, l'État renvoie aux institutions gouvernementales, la nation, renvoie au peuple uni par une conscience historique commune, mais sans nécessairement s'être donné des institutions. L'État provient d'une société, qui a différencié le pouvoir politique aux autres pouvoirs, et instauré un appareil juridique. Par conséquent l'homme, pour quitter l'état de nature, a créé l’État, qui possède ainsi des fonctions. Ce terme est utilisé pour la première fois par Machiavel, pour qui la constitution de l’État assure la sécurité et la stabilité d'une société. Les hommes qui, sans cet État, vivraient dans un état de guerre omniprésent sans la loi ni l’État. Ainsi, la fonction première, la plus importante, semble être d'assurer la sécurité des individus dans la société. L’État est une instance politique qui s'occupe seulement du domaine public, il ne peut s'occuper du domaine privé sans se dénaturer. Maintenant, la question est de savoir si nous pouvons avoir raison de manifester notre mécontentement contre l’État quand celui ci agit de manière inapproprié dans le domaine public ou privé ?



Comment l’État peut-il agir de manière inapproprié ? En agissant sans intérêts pour la société qu'il gouverne, en s'occupant du domaine privé au lieu du domaine public. S'occuper du domaine privé, c'est s'occuper du bonheur de l'individu, en bien ou en mal. S'occuper du domaine public, c'est assurer la sécurité, la paix commune. L’État ne peut, et ne doit pas s'occuper du domaine privé, dès lors qu'il agit dans ce domaine il n'est plus considéré comme un État. L’État ne peut légitimement s'assurer du bonheur des individus. En revanche, en assurant la sécurité dans la société et la liberté, il peut rendre possible le bonheur des individus. Si l’État ne peut intervenir directement dans notre bonheur individuel, il peut le faire indirectement. Avant de vivre dans une communauté politique, l'homme était libre et heureux. Il s'agit donc de retrouver cette liberté dans la vie en commun, et le bonheur lié à celle-ci, l'état de nature par conséquent.


Cet état de nature désigne la situation durant laquelle l'humanité se serait trouvée avant l'instauration de la société, particulièrement avant l'institution de l’État et du droit positif. Le droit positif et le droit naturel sont deux formes de droit contraires. La première a été inventé par les hommes, et la seconde par la nature humaine. L'état de nature possède plusieurs conceptions, largement différentes selon leurs auteurs. Dans les débats au sujet de l'état de nature, nous retrouvons parmi les plus connues, l'idée du « Bon Sauvage », qui s'exprime au nom d'une nature innocente ou bonne, et l'idée de Thomas Hobbes, entre autres, d'une nature mauvaise. Dans tous les cas, l'état de nature se situe dans un temps reculé, avant l'apparition des sociétés étatiques. Dans l'idée que l'état de nature serait bon, nous retrouvons Montaigne, par quoi nous associons souvent le début du mythe du Bon Sauvage, même si les fondations de ce mythe sont bien antérieures. Montaigne aborde le sujet dans son œuvre « Les Essais », plus précisément dans les chapitres « Des Cannibales » et « Des coches ». L'auteur prend position en faveur des peuples autochtones qui vivent dans la nature contre les Européens, qui eux, ne s'intéressent qu'à s'enrichir et à corrompre des peuples innocents. La culture, dîtes civilisée, ne connaît pas toujours la vérité. Montaigne, en comparant les Européens au peuple Tupinamba du Brésil dans le chapitre « Des Cannibales », montre la barbarie destructrice des Européens. Cette définition de l'état de nature est importante pour comprendre la raison de l'existence d'un État, la nécessité d'une société étatique et non naturelle. En revanche, Montaigne montre bien que sans société étatique, l'homme peut vivre heureux et peut aussi cohabiter avec les siens.


Toutefois l’État peut aussi agir dans le domaine publique de manière inapproprié, sans volonté d'assurer la sécurité ou la liberté des individus. Nous pouvons évoquer le terme « raison d’état », qui signifie un principe d'action politique qui justifie les actes de l’État. Ces actes seraient alors justifiés par cette raison d’État, la raison d’État est un principe qui s'autorise à violer le droit au nom d'un critère supérieur. La définition en philosophie de ce terme reste ambiguë. En revanche cette raison d’État est souvent utilisé pour conserver l’État lui-même. Dans un extrait du traité politique de Machiavel, qui se nomme « Le Prince », Machiavel montre comment devenir prince et le rester. Il affirme qu'être un prince, et surtout un nouveau prince, est difficile comme rôle car celui-ci ne peut exercer la vertu impunément contrairement aux citoyens. En effet un prince doit conserver l’État, si bien qu'il se voit dans l'obligation de violer les lois de l'humanité, de la religion et de la charité, par conséquent de ne pas être vertueux. L'idée de cet extrait est de décrire la politique telle qu'elle fonctionne, en faisant cela, il donne au public le secret des ruses des gouvernants. Ce qui compte en politique, c'est de faire durer son gouvernement. Nous voyons bien la complexité de la politique, qui n'est pas simplement une question de raison, mais aussi de passions.



L’État ne doit donc pas agir dans le domaine privé, car l’État ne s'occupe pas de notre bonheur mais de notre liberté. En devenant une société étatique et non en restant une société naturelle, l’État a pour rôle d'instaurer un rapport de force entre les hommes et s'occupe de tous les autres rapports de forces possibles. Instaurer la sécurité et dénaturer l'homme en défendant les plus faibles contre les plus forts, néanmoins, instaurer des lois contre l'état de nature, n'est qu'une protection inefficace car cela revient à entretenir un état de violence toujours menaçant pour la vie de tous dans la société. L’État ne peut contrôler chaque homme, il peut fixer des lois pour la stabilité de la société. En revanche, seuls les personnes les plus raisonnables respecteront ces lois, et c'est parce qu'il y a toujours des exceptions que l’État ne peut être jugé sur la sécurité qu'il apporte aujourd'hui. La sécurité vient à l'encontre de la liberté et inversement, trop de liberté signifie manque de sécurité, et trop de sécurité signifie manque de liberté. Le paradoxe entre ces deux notions est défendable selon le point de vue. L’État a pour rôle de régler les rapports de forces entre les hommes, par conséquent il assure la sécurité de chacun, et en assurant la sécurité de chacun nous pouvons tous être libre et égaux en droit.



Les hommes ont-ils réellement besoin d'avoir un État qui les gouverne pour survivre ? Certaines anciennes civilisations vivaient sans État, les autochtones vivaient au jour le jour sans se soucier du lendemain. Aujourd'hui encore, il existe des peuples qui vivent en autarcie, sans échange avec d'autres sociétés ou d'autres peuples. Ces tribus expriment une volonté collective de conserver leur mode de vie et leurs coutumes. Néanmoins beaucoup de peuples indigènes ont été victime de la stupidité des Européens qui veulent s'enrichir toujours et encore. Il reste encore des peuples indigènes qui se trouvent dans la forêt amazonienne, donc au Brésil, qui vivent en autarcie et sans État. Ces tribus non étatique vivent à l'état de nature et non besoin de rien d'autre, si ce n'est la promesse de non violence de la part des Occidentaux. Voilà une preuve que nous pouvons tous vivre ensemble sans posséder d’État mais seulement en étant avec les siens et en vivant avec la nature. Ils vivent peut-être dans l'innocence, cependant ils arrivent à vivre heureux et indépendamment de toutes technologies poussés contrairement à notre mode de vie.



Pour conclure, l’État est nécessaire car il nous permet d'être tous égaux et grâce à cela nous pouvons survivre tous équitablement. En revanche, il se doit de s'occuper uniquement du domaine public, car ce domaine concerne le citoyen et non l'individu. L’État nous maintient tous en vie, du moins il essaye, mais il ne nous permet pas d'exister. Vivre c'est manger, dormir, se réveiller, etc. Exister c'est faire acte de présence. Nous pouvons tous vivre sans exister mais nous ne pouvons pas exister sans vivre. Par conséquent, l’État peut nous permettre d'exister indirectement en s'occupant de notre survie. Le citoyen c'est homme qui vit dans la société, ainsi, l'individu c'est l'homme qui cherche à être heureux indépendamment de l’État, qui lui ne permet pas à l'homme d'acquérir le bonheur. Cependant l’État n'est pas indispensable à notre survie globale, certaines sociétés fonctionnent très bien sans État, les hommes peuvent survivre ensemble sans un pouvoir suprême tel que l’État. Penser le contraire c'est perdre espoir en l'humanité.


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